Depuis plus de 20 ans, la lutte entre l’armée et les groupes rebelles fait rage en République Démocratique du Congo (RDC). La région du Kivu est particulièrement touchée par l’affrontement de ces groupes armés qui a contraint les populations à se déplacer massivement pour fuir le conflit. Les habitants ont été forcés d’abandonner leur foyer, leur village et leurs activités, ce qui a peu à peu entraîné un grave effondrement de l’économie et une déchirure dramatique du tissu social. Comme c’est le cas dans la quasi-totalité des conflits armés, une autre guerre fait rage en parallèle : celle des viols perpétrés contre des centaines de milliers de femmes. Véritable arme de guerre, le viol est à l’origine de graves traumatismes au sein des communautés, et de profonds dégâts sociaux et économiques dont pâtissent tous les membres de la population civile.
La situation est dramatique. Très fréquemment pratiqué par les groupes armés depuis 1996, le viol aurait fait au moins 500 000 victimes en RDC. En avril 2010, l’envoyée spéciale de l’ONU pour les violences faites aux femmes et aux enfants dans les conflits, Margot Wallström, qualifiait même le pays de « capitale mondiale du viol ».
Ces atrocités plongent les femmes victimes de violences sexuelles dans un état d’extrême vulnérabilité psychologique et dans un profond isolement économique. Reniées et chassées par leur mari et leur communauté après avoir subi un viol, elles doivent alors assurer seules toutes les charges familiales.
Présentation du projet d’Alpha Ujuvi :
Le programme de terrain de W4 en RDC, le Collectif Alpha Ujuvi, œuvre depuis 2001 pour mettre fin au fléau des violences sexuelles. Avec la participation de nombreuses femmes qui ont elles-mêmes subi une agression sexuelle, le Collectif a mis en place des programmes d’alphabétisation, de formation professionnelle et de micro-finance pour venir en aide aux femmes victimes de viol. Alpha signifie alphabétisation (ou apprentissage) et Ujuvi est un terme kiswahili qui signifie « curiosité » dans le sens de la recherche et du progrès. Notre programme de terrain en RDC repose sur un constat simple : soutenir les femmes sur un plan psychosocial est primordial mais insuffisant ; il faut aussi les guider dans leur réinsertion socio-économique afin qu’elles puissent durablement subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants.
Il y a 2 ans, nous vous présentions les activités d’Alpha Ujuvi en RDC et, plus particulièrement, les projets d’alphabétisation et de soutien à l’entrepreneuriat mis en oeuvre par W4. Aujourd’hui, nous tenons à vous en dire plus sur l’impact réel de ces projets dans la vie des femmes congolaises de Murhesa. Alors que les conflits armés ont officiellement cessé, les violences et le harcèlement de la population demeurent quotidiens. Les milices armées continuent de piller, tuer et violer la population dans la province du Kivu. L’aide aux femmes violées reste une priorité absolue dans la région : ces femmes abusées puis abandonnées par leur famille et leur communauté ont besoin d’un soutien qui soit à la fois psychologique, éducatif et financier.
Découvrez comment le programme de terrain de W4 en RDC permet aujourd’hui à ces femmes de trouver de nouveaux repères et de démarrer une nouvelle vie.
Deux ans après – « Ces femmes commencent à revivre! »
Avant d’être encadrées par le programme de W4, les femmes victimes de violences sont d’abord suivies à l’hôpital de Panzi, spécialisé dans la prise en charge des survivantes de violences sexuelles et les reconstructions gynécologiques complexes. C’est l’équipe du Dr. Mukwege qui dispense les soins médicaux et psychologiques adaptés à chaque femme qui arrive dans le service. Le Collectif d’Alpha Ujuvi accueille ensuite certaines d’entre elles.
Dans un premier temps, les femmes participent à une formation consacrée à l’apprentissage des fondamentaux théoriques indispensables à la création d’une entreprise : écriture, lecture et calcul. Ce point de départ permet aux femmes d’acquérir les compétences nécessaires à la création et au maintien d’une activité génératrice de revenus (AGR) ; grâce à la création de son AGR, chaque femme est en mesure de gagner un revenu stable et durable et, ainsi, devenir plus autonome, subvenir à ses besoins et ceux de sa famille, et réintégrer sa communauté.
Dans un second temps, le Collectif offre un accompagnement à la création des AGR, en tenant compte du marché local de Murhesa et en offrant aux femmes un capital d’amorçage de $150. Elles financent ainsi le début de leur activité qu’il s’agisse de vendre des journaux, des boissons locales, du maïs ou encore des haricots. Ce sont à ce jour 30 femmes qui ont bénéficié du programme.
En plus de ce soutien pédagogique et financier, une assistance psychologique est offerte aux femmes pendant toute la durée du programme. Astrid, animatrice et formatrice au sein du Collectif Alpha Ujuvi, les suit sur le long terme en se rendant sur place, dans les familles, afin de constater le véritable impact du programme sur leur vie quotidienne. « Aujourd’hui, l’activité entrepreneuriale est si fructueuse que les femmes envisagent même d’ouvrir une cantine. C’est une belle victoire pour ces femmes qui ont subi les pires traumatismes ! », se réjouit Astrid qui nous fait part de ses observations :
« Les femmes sentent que l’association a répondu à leurs besoin et sont vraiment contentes de voir que nous effectuons un suivi régulier pour savoir comment elles vont et comment elles évoluent sur les plans personnel et professionnel. Très vulnérables il y a peu, elles ont surmonté l’épreuve de l’isolement, se sont réintégrées socialement et reconstruites psychologiquement et moralement à travers leur activité ! Grâce à l’accompagnement de l’association, au suivi rapproché et à l’amour qu’on leur porte, ces femmes commencent à revivre ! Grâce à W4, elles sont valorisées, considérées comme des membres à part entière de leur communauté et retrouvent peu à peu leur place dans la société. »