Le projet « School in a Box », à l’école Al Fatah, à Kabul, Afghanistan
En début d’année, lors de la conférence Share Her Voice organisée par Empow’Her et Wikistage à Paris, W4 a écouté les témoignages fascinants de personnes engagées en faveur de l’émancipation des femmes et des jeunes filles à travers le monde, du Brésil au Pakistan, de l’Afghanistan à la Thaïlande.
Une des histoires les plus marquantes était celle de Yann Borgstedt, président de la fondation Womanity et ardent défenseur des droits des femmes. Notre équipe a eu la chance de lui poser quelques questions sur son parcours, l’histoire et les activités de la fondation, et sur les raisons qui l’ont poussé à s’investir dans l’émancipation des femmes et des jeunes filles. Nous nous sommes tout particulièrement intéressés à sa trajectoire en tant qu’homme et investisseur financier travaillant dans le domaine des droits des femmes.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vous, votre carrière d’entrepreneur, et sur ce qui vous a amené à créer la fondation Womanity ?
J’ai commencé dans le monde de l’entreprise très jeune, en créant une société internet qui a connu un certain succès. Je pense qu’avec le succès vient la responsabilité. J’ai donc décidé de créer une fondation. Pour notre premier projet, nous avons collaboré avec une association caritative qui apporte un soutien aux mères célibataires. Nous nous sommes rendu compte que beaucoup d’entre elles étaient des employées domestiques avec un très faible niveau scolaire, nous avons donc cherché des moyens leur permettant de retourner à l’école.
Aujourd’hui, je partage mon temps entre mes projets d’entreprise et mon engagement philanthropique. Je travaille avec ma fondation, mais aussi avec Ashoka et sur d’autres projets. C’est bien de faire différentes choses pour trouver de l’inspiration, prendre du recul, observer ce que font les autres, et se demander comment améliorer son travail.
La fondation Womanity finance des projets d’éducation, de formation et d’émancipation des femmes dans différentes régions du monde : en Afghanistan, au Brésil, en Egypte, en Inde ou au Maroc par exemple. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur certaines initiatives soutenues par votre fondation ?
Nos programmes sont divisés en quatre piliers. Le premier se déroule en Afghanistan et est centré sur l’éducation des jeunes filles. Nous travaillons dans les écoles en collaboration avec le gouvernement afghan pour améliorer la formation des professeurs et enrichir les programmes scolaires.
Le deuxième pilier repose sur l’exploitation des médias favorisant l’émancipation des femmes. Nous avons lancé la première station de radio destinée aux femmes en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, Radio Nisaa, et nous sommes en train de rassembler ce contenu radio sur une plateforme en ligne, pour le rendre accessible à travers tout le Moyen-Orient. Le projet est lié à un programme de fiction diffusé à l’antenne, qui raconte les aventures d’une jeune fille égyptienne. En mêlant divertissement et éducation, ce projet fait de la radio un outil de sensibilisation et d’émancipation.
Notre troisième pilier est un programme de bourses intitulé « WomenChangeMakers ». Nous sélectionnons les candidates en utilisant un système similaire à celui d’Ashoka et nous soutenons des femmes entrepreneures, créatrices de projets innovants pour l’émancipation des femmes et des jeunes filles. Nous sommes extrêmement sélectifs et nous amenons par la suite nos partenaires à collaborer avec les lauréates et à leur apporter leur soutien. C’est ainsi que nous avons opéré en Inde et au Brésil.
Le quatrième pilier est le prix Womanity, « le Womanity Award » qui met l’accent sur un phénomène transfrontalier : la violence envers les femmes. Cette violence touche les femmes aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement, indépendamment de leur niveau d’éducation. Nous avons créé ce prix pour inciter les personnes à trouver les solutions les plus innovantes – en exploitant les technologies de l’information et de la communication – pour lutter contre les violences faites aux femmes. De cette manière, nous mettons en relation la personne porteuse de projets avec un partenaire susceptible de répliquer ces initiatives.
Selon Yann, la force des quatre piliers de la fondation réside dans la capacité de son organisation à se renouveler – une leçon tirée de son expérience du secteur financier.
« En tant que fondation, vous vous développez, vous faites aussi des erreurs, et ma philosophie est qu’il est nécessaire de prendre des risques. Si vous prenez des risques, vous allez forcément vous tromper à un moment donné. Si vous n’avez pas assez échoué, c’est que vous n’avez pas pris assez de risques. Nous ne serons jamais la plus grande fondation. Un de nos objectifs est donc de prendre des risques que les autres fondations ne sont pas prêtes à prendre. Voilà notre philosophie ».
Quel rôle jouent les hommes dans le processus d’émancipation des femmes ?
Nous devons faire comprendre aux hommes qu’un mode de pensée patriarcal nuit à notre société. En tant qu’homme d’affaires, je vois les choses de la manière suivante : si la moitié de mes actifs n’est pas utilisée, c’est que ma stratégie n’est pas optimale. Changer la façon dont les hommes regardent les femmes est probablement le chemin le plus difficile, car on touche à des cadres de pensée et à des schémas profondément ancrés – mais c’est la seule solution à long terme.
Visite de Yann Borgstedt à l’école du partenaire de Womanity Foundation, Educate Girls à Rajasthan, India
Qu’est-ce qui vous a motivé à participer à la conférence d’Empow’Her?
Je pense que si vous pouvez apporter votre contribution et inciter les gens à agir de façon positive, il est important de le faire. Je ne vais pas changer le monde tout seul, il ne changera que lorsque nous agirons tous ensemble. Mais si je peux inspirer ne serait-ce qu’une personne en expliquant ce que nous faisons à la fondation Womanity, c’est déjà beaucoup !
Des progrès ne pourront être réalisés en faveur des femmes et des jeunes filles que si nous incitons les hommes à soutenir leurs droits. W4 admire et salue l’engagement passionné de Yann Borgstedt et de la fondation Womanity, dont les formidables projets génèrent des changements positifs et durables pour les femmes et les jeunes filles du monde entier, ainsi que pour leur communauté.
Suivez le lien pour en lire davantage à propos de Radio Nissa, les bourses offertes par la Womanity Foundation et leurs nombreux projets innovants autour du monde.