« Pays le plus dangereux au monde pour les femmes ». L’Afghanistan est arrivé en tête du classement réalisé en 2011 par la Fondation Thomson Reuters, s’appuyant sur le taux élevé de mortalité maternelle, de mariage forcé et d’alphabétisme féminin. Plus d’une décennie après la chute des Talibans, où en sont les droit des femmes afghanes ?
Chekeba Hachemi est née en Afghanistan. Elle a fui le pays à pied pendant la première guerre d’Afghanistan lorsqu’elle avait 11 ans et est arrivée en France où elle est restée jusqu’à la fin de ses études. Après avoir créé AL, Chekeba n’a cessé de voyager entre les deux pays et est devenue la première femme afghane diplomate en 2001. Son dernier livre, L’insolente de Kaboul, revient son sur histoire personnelle ainsi que sur la situation des femmes afghanes. |
Dans un rapport de septembre dernier, intitulé « Afghanistan, Ending Child Marriage and Domestic Violence », Human Rights Watch s’attaque à la pratique encore répandue des mariages forcés, qui touche 70 à 80% des jeunes filles, et à leurs conséquences souvent désastreuses. Mariées trop tôt, les adolescentes âgées de 15 à 19 ans ont deux fois plus de risque de mourir de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement que les femmes âgées de plus de 20 ans. Pour celles qui ont moins de 15 ans, ce risque est multiplié par 5.
Le verdict d’HRW est sans appel : le pays détient l’un des taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde et « une femme afghane meurt toutes les deux heures pour cause de grossesse ». Heureusement, de nombreux acteurs se mobilisent pour faire évoluer ces réalités. C’est le cas de l’association Afghanistan Libre (AL). Fondée en 1996 par Chekeba Hachemi, l’association est présente dans le district de Paghman, à proximité de Kaboul, et dans la vallée du Panjshir. Cette région montagneuse à majorité tadjike a été très touchée par les offensives des troupes soviétiques puis des Talibans.
Afghanistan Libre concentre son action sur plusieurs volets. Le plus important est sans conteste la construction de lycées pour filles car« même lorsque l’on a des droits, tant qu’on n’a pas accès à l’éducation, on ne peut pas se défendre », nous explique Chekeba . Comme l’indique Liesl Gerntholtz, directrice de la division Droits des femmes à HRW, la loi signée en 2009 par le Président Karzaï contre les violences conjugales et les mariages des enfants a permis d’instaurer un cadre juridique, mais les pratiques n’ont que très peu évolué. Et c’est bien là toute la difficulté : faire appliquer les lois face aux coutumes et traditions.
Éduquer les filles, c’est aussi donner à la moitié de la population les moyens de participer au développement du pays. Florent Caillibotte, actuellement chef de mission à Kaboul pour AL, atteste des retombées positives des programmes : « les bénéficiaires sont contents et nous recevons de nouvelles demandes. De plus en plus de jeunes filles poursuivent leurs études et ont l’opportunité d’accéder à un emploi. Même s’ils demeurent très genrés pour le moment, il s’agit d’un pas énorme ».
« Ce qui fait notre force, c’est qu’on travaille véritablement avec les villageois. C’est pour cela qu’ils nous soutiennent et que nos projets sont pérennes, » poursuit Chekeba. Cette capacité à échanger avec les bénéficiaires directs et indirects des programmes permet de cibler leurs besoins et de mettre en place des solutions adaptées. Ce fut le cas pour les salles d’éducation à la santé. En 2002, lors d’un déplacement dans l’un des villages du Panjhsir, Chekeba s’est aperçue en discutant avec une villageoise que celle-ci était la première à atteindre l’âge de la ménopause. Personne ne savait ce que c’était.
Récompensée en 2011 par le Prix des Droits de l’homme de la République Française, AL est une association pionnière dans plusieurs domaines. En parallèle du volet éducatif, il s’agit de la seule association qui publie, en partenariat avec ELLE, l’unique magazine féminin d’Afghanistan ROZ que vous pouvez soutenir via notre plateforme.
En dépit de tous ces signes prometteurs, l’heure est à l’inquiétude. Le retrait des troupes américaines et l’approche des élections présidentielles en avril prochain font craindre un regain de conservatisme et un retour en arrière pour les droits des femmes. Aujourd’hui plus que jamais, la mobilisation est nécessaire pour conserver et renforcer les précieux acquis en termes d’égalité.
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