W4 rencontre Eléonore Iriart, Directrice Générale de Passerelles numériques (PN) Cambodge, partenaire de W4. Après dix ans dans le secteur privé en Europe, Eléonore décide il y a neuf ans de travailler en Asie du Sud-Est pour des ONG qui donnent aux jeunes de milieux défavorisés un accès à l’éducation et la formation professionnelle. Elle rejoint Passerelles numériques il y a quatre ans, aux Philippines d’abord puis au Cambodge, et partage aujourd’hui avec nous son expérience et son regard sur les programmes qu’elle supervise.
En quoi consiste le programme d’accompagnement éducatif et social de 43 jeunes filles mis en oeuvre par Passerelles numériques ?
Au Cambodge, PN forme depuis 2005 des jeunes de milieux défavorisés aux métiers du numérique en deux ans, favorisant leur accès à des emplois qualifiés dans le secteur numérique. Actuellement, PN accompagne 148 jeunes au Cambodge et compte déjà 1 437 diplômés depuis la première promotion de 2007. La certification délivrée par PN est reconnue par le Ministère de l’Education cambodgien.
Au-delà de la formation technique, Passerelles numériques accorde une grande importance au savoir-être, à l’accompagnement vers l’emploi et au développement personnel des élèves.
Toute une partie du programme est consacrée à des cas pratiques et des activités de développement. Ils assimilent des valeurs comme la confiance, la responsabilité, la solidarité, le respect et l’exigence, et se préparent à la vie en entreprise (communication, résolution de problèmes, prise de décisions, gestion du temps et du stress, etc.). Cela leur permet de devenir des adultes autonomes et responsables qui sont informés sur des sujets aussi divers que la santé et l’hygiène, la sexualité, l’environnement ou la gestion d’un budget.
La parité est pour nous une valeur centrale. Nous encourageons les filles à postuler et sélectionnons au moins 50% de jeunes filles.
Qu’apprennent les jeunes femmes grâce à cette formation ?
La formation comporte des cours techniques, des cours d’anglais, des cas pratiques et des activités de développement personnel. Un premier module de quatre mois met l’accent sur l’apprentissage intensif de l’anglais et les bases de la bureautique (taper au clavier en khmer et en anglais, utiliser un ordinateur, Internet, Microsoft Office). Au programme également, des cours de renforcement en mathématiques et des notions de base en communication. En parallèle, nous veillons à l’intégration des jeunes à travers diverses activités leur permettant de s’adapter à la vie en communauté et l’environnement urbain, et des ateliers de sensibilisation à la santé et l’hygiène.
Un second module de cinq mois s’attelle aux fondamentaux informatiques (algorithmique, programmation HTML, CSS, architecture de processeur, systèmes d’exploitation, routage, et commutation, conception) en plus des cours d’anglais, cas pratiques et activités de développement.
A ce stade, les jeunes choisissent leur spécialisation et s’y consacrent pendant les dix mois suivants. Selon qu’ils optent pour la branche « Administration Systèmes et Réseaux » ou « Programmation Web », ils approfondissent leurs connaissances avant de réaliser un stage de fin d’études. Une immersion de quatre mois dans une entreprise partenaire permet alors aux jeunes filles de mettre en pratique leurs acquis et de s’adapter progressivement au monde de l’entreprise avant d’intégrer le marché du travail.
Quel est l’impact de ce programme sur la vie et les perspectives d’avenir des élèves ?
Il change durablement la vie des jeunes et de leur famille en leur offrant l’opportunité de sortir de la pauvreté grâce à une formation technique et professionnelle reconnue, et l’accès à des emplois qualifiés dans le domaine porteur des technologies de l’information. Nous mettons entre leurs mains les clés d’une carrière prometteuse avec un salaire suffisant pour être autonomes et aider leur famille et communauté.
Tous les diplômés trouvent un emploi dans les deux mois suivant la fin de leur stage et gagnent plus que les autres membres de leur famille réunis. Le salaire d’un junior est en effet plus d’une fois et demie supérieur au salaire minimum cambodgien, et deux à trois fois supérieur après quelques années de carrière.
Les diplômés travaillent dans des entreprises locales ou internationales, des start-up ou des grands groupes, principalement dans le secteur informatique mais aussi dans ceux de la banque ou de l’assurance par exemple. Presque tous restent à Phnom Penh, principal bassin d’emploi du Cambodge. Quelques-uns font le choix de repartir dans leur province pour y enseigner l’informatique et transmettre leurs connaissances. Un nombre non négligeable choisit l’entrepreneuriat et certains ont d’ailleurs reçu des récompenses locales ou internationales pour leurs projets. Quelques-uns sont devenus cadres et certains sont partis travailler ou se former à l’étranger pour leur entreprise. Plus de 85% ont fait le choix de poursuivre leurs études tout en travaillant, obtenant ainsi une Licence ou un Master.
Les résultats du programme sont très positifs et confirment que la quasi-totalité des jeunes ont un emploi. La majorité travaille dans le secteur des technologies de l’information mais certains s’orientent vers des domaines connexes comme la commercialisation de produits informatiques ou le design de sites web. Certains sont devenus cadres, d’autres ont créé leur entreprise et sont devenus à leur tour des employeurs, donnant ainsi des opportunités à la génération suivante.
Après quelques années, on observe une nette augmentation des salaires passant de 256 dollars en moyenne en début de carrière à 400 dollars après trois ou quatre ans. Certains diplômés gagnent plus de mille dollars par mois. Quand on sait que leur famille vivait sous le seuil de pauvreté avec un dollar par jour et par personne, cela témoigne du chemin parcouru.
Pouvez-vous nous dire en quoi le programme a un impact positif sur l’ensemble de la communauté ?
Aujourd’hui, près d’un tiers du salaire d’un diplômé est reversé à sa famille ce qui permet aux plus jeunes de bénéficier d’une éducation et à toute la famille d’améliorer ses conditions de vie et de logement.
Aussi, dans le cadre du Solidarity Act, chaque diplômé s’engage à reverser pendant trois ans jusqu’à 360 dollars (par une contribution progressive de 5, 10 ou 15 dollars par mois) au programme pour permettre à d’autres jeunes femmes dans le besoin d’en bénéficier. En milieu d’année, PN avait déjà recueilli plus de 7 000 dollars via ce dispositif permettant de soutenir les nouvelles générations d’étudiants. Certains font même la démarche de demander à leur entreprise de contribuer au développement de PN à travers une aide financière ou une donation d’équipements techniques. Il y a donc vraiment un esprit de solidarité et de réciprocité, un cercle vertueux qui a un impact positif sur l’ensemble de la communauté.
Comment chacun peut-il soutenir le travail de Passerelles numériques ?
Les particuliers peuvent d’une part soutenir nos programmes financièrement. Cela nous permet d’assurer les phases de sélection et de formation technique et professionnelle, le suivi individuel des jeunes, leur soutien social (hébergement, nutrition, suivi médical et psychologique) et leur accompagnement vers l’emploi. C’est donc crucial !
D’autre part, tout le monde peut contribuer en parlant de nos activités, en devenant ambassadeur de PN afin d’étoffer le réseau ou encore en participant à des levées de fonds. Une autre option consiste à devenir bénévole en France ou dans l’un des pays où nous opérons (Cambodge, Vietnam, Philippines) dans le cadre de missions courtes, d’un Service Civique ou d’un Volontariat de Solidarité Internationale selon les missions à pourvoir publiées sur notre site.
J’aimerais d’ailleurs saisir l’occasion de cet entretien pour remercier notre partenaire W4. Votre soutien continu depuis des années et votre initiative de doubler les fonds versés à Passerelles numériques vont nous permettre d’atteindre nos objectifs mais aussi de développer nos projets et d’augmenter la portée de notre travail !
AUJOURD’HUI est une excellente occasion de faire un don à ce merveilleux programme ! Tous les dons au programme seront doublés ! Nous avons déjà atteint 70 % de notre objectif de collecte de fonds. Aidez-nous à atteindre notre objectif ici !