Sarah Zouak, Fondatrice du Projet de terrain de W4, the Women Sense Tour, nous raconte sa récente rencontre avec Nora Belahcen Fitzgerald, entrepreneure sociale et fondatrice de l’organisation AMAL, au Maroc, dédiée à l’émancipation des femmes démunies à travers une formation innovante en art culinaire.
Partout dans le monde, des femmes agissent, s’engagent et créent des structures pour répondre à des problématiques sociales et/ou environnementales.
Nora Belahcen Fitzgerald est l’une de ces entrepreneures sociales qui met son cœur au service des autres et, plus précisément, au service des femmes « nécessiteuses ». Nora œuvre à améliorer leur statut socio-économique par l’apprentissage d’un métier valorisant dans le domaine des arts culinaires.
Direction la plus célèbre des villes du royaume marocain, Marrakech, pour un coup de projecteur sur son association, AMAL, qui comprend un centre de formation dédié aux femmes en situation précaire et un restaurant solidaire ouvert au public.
Une entrepreneure sociale guidée par sa foi
Depuis son plus jeune âge, Nora Belahcen Fitzgerald évolue dans un environnement multiculturel et alterne, selon les contextes, plusieurs langues avec grâce. Ses parents sont originaires de Californie, aux Etats-Unis, mais c’est au Maroc que Nora naît et grandit. Elle fréquente des établissements où l’enseignement est dispensé en arabe et en français, et étudie l’espagnol plus tard au cours de ses études.
Devenue mère de trois enfants, Nora surprend sa famille et ses proches en créant en 2012 son « projet de cœur » : l’association AMAL. Un engagement motivé par sa foi et une rencontre qui a bouleversé sa vie.
En effet, c’est dans la religion musulmane que Nora a trouvé la force d’agir pour plus d’égalité en faveur des femmes au Maroc et notamment dans l’une des citations du prophète : « lorsque vous voyez quelque chose qui ne vous plaît pas, changez-le avec vos mains. Si vous n’y arrivez pas, changez-le avec un stylo et écrivez. Si vous n’y arrivez toujours pas, détestez cette chose du fond de votre cœur ».
C’est en 2006 que Nora se met à appliquer à la lettre les recommandations du prophète, lorsqu’elle se retrouve face à la souffrance des femmes mendiantes, et d’une en particulier… Ce jour-là, Nora fait la rencontre d’une mère célibataire avec ses deux enfants, vivant dans des conditions extrêmement difficiles. Ne bénéficiant d’aucun soutien, c’est dans les rues de Marrakech que cette femme commence alors à mendier. Son butin ? Deux ou trois euros par jour pour survivre et s’abriter, avec sa famille, dans une chambre très modeste. Lorsque Nora compare la situation de cette femme à la sienne, elle réalise le décalage immense entre leurs réalités respectives et l’extrême souffrance vécue par cette femme. Avec l’aide de sa famille et de ses amis, Nora décide de lui venir en aide.
Elle rencontre par la suite d’autres femmes affrontant les mêmes difficultés. De là naît l’idée de les aider à mieux s’insérer dans la société grâce à un projet. Dès lors, elle va non seulement détester la situation et écrire dans un blog pour raconter son histoire mais elle va surtout agir et mettre toute son énergie dans la création d’une structure qui répond aux difficultés que connaissent ces femmes.
Association AMAL, un espoir pour les femmes
Au fil des rencontres avec ces femmes d’horizons très divers, des veuves, des mères célibataires ou des victimes de violences, Nora réalise que leur manque de confiance en elles masque de formidables compétences en cuisine : ces femmes talentueuses ont de l’or au bout des doigts. Comme dans beaucoup de cultures, la cuisine au Maroc tient une place centrale et représente un moment d’apprentissage que beaucoup de jeunes femmes partagent avec leur mère ou leurs grands-mères. Nora s’inspire alors du projet mené par la grande militante marocaine Aicha EchChenna et son association Solidarité Féminine pour créer à son tour un restaurant solidaire.
Travailler dans le milieu des arts culinaires dépasse la simple idée de trouver un emploi et un revenu pour ces femmes. Les formations en cuisine permettent aux apprenties d’acquérir chaque jour un savoir-faire qu’elles mettent rapidement en pratique en travaillant au sein même de la structure associative. Elles réalisent la valeur de ce qu’elles créent grâce aux nombreux clients, ravis, qui viennent chaque jour en nombre au restaurant. Grâce à cette expérience, les bénéficiaires sortent aussi de leur isolement et rencontrent d’autres femmes bien décidées à s’en sortir. Enfin, après quelques semaines, certaines animent déjà des cours de cuisine marocaine pour les clients étrangers en visite à Marrakech. Un moment gratifiant au cours duquel ces femmes se sentent valorisées, où leur travail et la transmission de leur culture et de leur savoir-faire sont totalement reconnus.
AMAL signifie « espoir » en arabe. Et c’est bien la mission que s’est donnée Nora : redonner espoir à toutes les femmes qui vivent dans la précarité à travers un objectif simple, celui de les aider à améliorer leur statut socio-économique par l’apprentissage d’un métier valorisant dans le domaine des arts culinaires. Ces formations de 4 à 6 mois sont suivies chaque semestre par des dizaines de bénéficiaires. Leur formation est complétée par des cours d’alphabétisation et l’apprentissage de langues étrangères comme le français ou l’anglais. Enfin, les femmes bénéficient d’une aide à l’insertion professionnelle par le biais de l’assistante sociale qui les met en relation avec des restaurants, des hôtels ou des Ryads de Marrakech.
Aujourd’hui, AMAL est un restaurant convivial dans lequel on se sent très vite comme à la maison. La décoration est chaleureuse, soignée, composée de tableaux réalisés par la maman de Nora et les plats mélangent saveurs traditionnelles marocaines et françaises. Grâce au soutien de la fondation Drosos et aux fonds récoltés par les ventes du restaurant, Nora a pu professionnaliser sa structure et engager, entre autres, des formateurs et des chefs cuisiniers.
Petite anecdote… L’une des chefs cuisiniers actuels est l’une des femmes mendiantes que Nora avait rencontrées il y a plusieurs années de cela. Loin de son état de servitude passée, cette battante est devenue son propre patron !
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2 Commentaires
Voilà un projet intelligent !
Merci beaucoup pour votre soutien Monique!