Nous sommes ravis de vous présenter Jocelyne Sacerdoce, Fondatrice du « Club des Défenseurs des Droits de la Fille, », une femme extrêmement courageuse qui lutte chaque jour pour faire entendre la voix des victimes de violences sexuelles en République Démocratique du Congo.
Qu’est-ce qui vous a poussé à fonder le Club des Défenseurs des Droits de la Fille ?
Ce que j’ai vécu pendant mon enfance m’a sans aucun doute poussée à fonder ce Club des Défenseurs des Droits de la Fille.
J’ai grandi dans la discrimination constante et à tous les niveaux, parce que je suis née fille. Mon père, déçu d’avoir une fille comme premier enfant, ne donnait rien pour mon éducation. Ma mère, elle, était toujours battue parce qu’elle ne donnait naissance qu’à des filles.
Je suis aussi une survivante de viol. On ne choisit pas d’être violée. J’ai été violée à l’âge de six ans par mon cousin et l’un de ses amis, l’on m’a ensuite chassée du domicile familial, j’ai fait plusieurs tentatives de suicides, puis j’ai rencontré une femme très importante pour moi. Une survivante de viol, elle aussi. Elle m’a ouvert les yeux, en me faisant comprendre que ma blessure était intense mais que le processus de cicatrisation avait commencé. J’ai alors décidé de vivre. Je n’ai bien évidemment pas effacé de mon esprit, ni de mon corps, ce qui s’était passé, j’ai au contraire réussi à mettre clairement des mots sur ce que j’avais vécu. Car seul un abcès qui a été vidé peut cicatriser.
Mais je ne pouvais pas rester chez moi les bras croisés sans rien faire, en sachant ce que nombre de filles endurent au sein de leur famille ou de leur communauté. C’est ainsi que m’est venue l’idée de créer ce réseau de filles activistes engagées dans la défense de leurs droits.
Pouvez-vous expliquer quels sont les missions, objectifs et programmes du Club des Défenseurs des Droits de la Fille ?
Notre mission est de promouvoir l’équité du genre et la défense des droits des filles.
Nous avons un objectif global, celui d’oeuvrer pour la promotion des filles Congolaises. Nous avons également plusieurs objectifs spécifiques :
- informer les filles sur leurs droits et les mécanismes pour les protéger
- lutter pour l’égalité des droits entre les filles et les garçons
- lutter contre toute forme de violence faite aux filles
- promouvoir la paix et le développement
- promouvoir l’autonomisation des jeunes filles pour lutter contre l’exploitation sexuelle et la pauvreté.
- lutter contre l’impunité
- promouvoir l’éducation des filles et leur maintien à l’ école
Pour atteindre ces objectifs, le club a développé plusieurs programmes :
- éducation
- plaidoyer et lobbying
- lutte contre la violence sexuelle faite à la fille
- autonomisation de la fille
- prise en charge des victimes de violences sexuelles et en situation de rupture familiale
- prise en charge psycho-social des victimes de violences sexuelles
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Quelles sont vos ambitions, pour vous-même et pour votre association ?
Je voudrais contribuer à la baisse – voire à l’éradication – de la violence faite à la fille en impliquant les survivantes de la violence sexuelles. Ces dernières sont en effet les seules à vraiment savoir combien ce genre de sévices fait mal … et à vouloir y mettre un terme. Je voudrais aussi aider les filles de moins de 15 ans à devenir activistes pour qu’elles parviennent à défendre elles même leurs droits. Pour cela, elles doivent étudier car l’éducation est le seul moyen pour changer de destin.
Combien de filles souffrent de violences sexuelles, chaque année, dans votre région ?
Je ne saurais le dire, tant elles sont nombreuses.
Quels sont les plus grands défis auxquels vous avez dû faire face ? Et comment avez-vous réussi à relever ces défis ?
Nous sommes confrontées à deux défis majeurs : étant donné le grand nombre de victimes et nos faibles moyens, nous ne parvenons pas à aider tous ceux qui sont dans le besoin. Par ailleurs, les victimes de violences sexuelles ne se font pas facilement connaitre, elles préfèrent souvent garder le silence.
Pour améliorer la situation, nous passons beaucoup de temps à témoigner, encore et toujours. Nos témoignages redonnent aux victimes de violences sexuelles le courage de dénoncer leurs oppresseurs. Ils sont aussi un message d’espoir.
Quelle partie de votre travail est la plus importante pour vous ?
La partie la plus importante de notre travail est quand je partage mon histoire, mon expérience, pour redonner espoir à celles qui ont vécu la même situation que moi. C’est aussi très important pour moi d’impliquer les juges et les magistrats dans la lutte contre l’impunité.
Comment les individus, les organisations et les entreprises peuvent-elles soutenir le Club des Défenseurs des Droits de la Fille ?
Notre action demande beaucoup de moyens. Les individus, les organisations et les entreprises peuvent nous appuyer techniquement, financièrement, matériellement ici… et s’il y a des volontaires qui veulent travailler avec nous pour le bien des victimes de viol, nous serons heureuses de les accueillir ! Merci.