En 2018, l’organisation WEC-Congo a été sélectionnée comme lauréate d’un appel à projets lancé conjointement par W4 et Girls Not Brides pour accompagner des initiatives innovantes à fort impact visant à mettre fin au mariage des enfants dans les communautés locales d’Afrique subsaharienne.
W4 a rencontré l’équipe de WEC-Congo pour discuter de son travail auprès des communautés locales de la région du Nord et Sud-Kivu en République Démocratique du Congo et de la façon dont ses programmes pour mettre fin au mariage des enfants génèrent des changements positifs et durables.
Quelles sont les raisons qui ont motivé la création de WEC-Congo ?
L’inégalité des chances entre les hommes et les femmes en République Démocratique du Congo (RDC), les méfaits persistants des guerres et des conflits (qui affectent les filles et les femmes de façon disproportionnée), les injustices auxquelles les femmes font face au quotidien, le désespoir que vivent des centaines de milliers de filles abandonnées ou orphelines, la sous-estimation et le mauvais traitement dont sont victimes les femmes et les filles dans les familles, les milieux éducatifs et professionnels — voilà les principales raisons qui ont poussé l’équipe passionnée de WEC-Congo (Women for Equal Chances-Congo) à créer une organisation protégeant les droits fondamentaux des filles et des femmes. Son objectif global est de promouvoir en RDC une société juste, sûre et prospère fondée sur l’égalité des chances entre hommes et femmes, et entre garçons et filles.
Pouvez-vous nous parler de vos programmes et de ce qui les rend si efficaces ?
Le pouvoir de la communauté
Notre équipe a développé un programme innovant et holistique à fort impact qui mobilise tous les membres de la communauté (des acteurs clés) afin de mieux faire connaître les dangers inhérents au mariage des enfants, de proposer des solutions et d’agir collectivement pour établir des changements durables.
Notre priorité repose sur la formation des autorités locales et chefs communautaires en matière de lois nationales et internationales qui répriment le mariage des enfants. Nous soutenons aussi diverses campagnes de sensibilisation dans les églises, les écoles et autres lieux publics, et dans les médias à travers des émissions de radio par exemple, sur les enjeux et les maux liés au mariage des enfants. En outre, nous encourageons les parents et les autorités locales à prendre part au processus de réhabilitation des droits et de réinsertion socio-économique des enfants et des femmes victimes d’un mariage précoce. Pour favoriser cette transformation durable, WEC-Congo a créé des Mutuelles de Solidarité, d’Épargne et de Crédit afin de lutter contre la pauvreté, l’une des causes principales du mariage précoce.
Le but, à travers ces ateliers et campagnes de sensibilisation, consiste à rassembler tous les soutiens présents localement et obtenir un engagement formel de la communauté à mettre un terme à cette pratique néfaste. En effet, si des lois existent en la matière, leur bonne application reste problématique (souvent à cause de la corruption) : les autorités chargées de faire appliquer la loi ne peuvent pas poursuivre les présumés coupables. Nous avons conscience qu’il faut mobiliser la communauté tout entière. Issus de milieux très variés, on compte parmi les participants aux ateliers des chefs de villages, des responsables religieux (prêtres, pasteurs, imams), des professeurs et chefs d’établissement, des organismes communautaires dédiés à la protection des droits des filles et des femmes, des fonctionnaires (affaires sociales, état civil, ministère du Genre, Enfant et Famille), des représentants du Parlement des enfants, des commandants de police, des journalistes de radios communautaires et, bien sûr, des filles et femmes victimes d’un mariage précoce.
Le contenu des ateliers s’inspire à la fois de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, de la loi de 2009 sur la protection de l’enfant en RDC, et du code pénal. La Charte reconnait notamment que « l’Enfant occupe une place unique et privilégiée dans la société africaine et que pour assurer l’épanouissement intégral et harmonieux de sa personnalité, l’Enfant devrait grandir dans un milieu familial, dans une atmosphère de bonheur, d’amour et de compréhension. » Par ailleurs, la loi de 2009 portant sur la protection de l’enfant stipule que les pratiques, traditions et coutumes qui portent atteinte au développement, à la santé, voire à la vie de l’enfant sont strictement prohibées, et les articles 48 et 49 mentionnent spécifiquement l’interdiction des fiançailles et du mariage des enfants. Enfin, le code pénal précise que le mariage forcé d’un enfant est une infraction passible de 12 mois à 12 ans d’emprisonnement et d’une amende de 100 000 francs congolais minimum.
Permettre aux femmes de se qualifier et d’établir des moyens de subsistance durables
Au-delà de ses actions de plaidoyer et de sensibilisation, WEC-Congo a développé des programmes de formation destinés aux femmes issues de communautés pauvres. Après leur participation à ces programmes (proposant des cours de confection artisanale par exemple), les femmes sont capables de mettre en place des activités génératrices de revenus et de subvenir à leurs besoins. Cette indépendance financière leur permet de mieux se protéger contre le mariage précoce et ses ravages parmi lesquels on peut citer : les risques d’une grossesse précoce (pouvant aller jusqu’au décès), les violences domestiques, l’interdiction par leur mari de s’instruire, l’abandon, la prostitution, la maltraitance et les violences sexuelles. Travailler permet aux femmes de vivre décemment, de subvenir aux besoins de leurs enfants et de nourrir ainsi un cercle vertueux vers la fin du mariage précoce et forcé.
Les coutumes, traditions et croyances locales ont longtemps favorisé la pratique enracinée du mariage des enfants. Par exemple, nombreux sont les parents qui pensent que le mariage précoce protègera leur fille des violences sexuelles et de la prostitution, et qu’il lui évitera une grossesse hors mariage. Grâce à notre travail, les communautés locales prennent peu à peu conscience des dangers que représente le mariage précoce et forcé mais aussi des conséquences positives, pour toute la communauté, liées à l’arrêt de cette pratique.
Les activités de notre équipe sont ancrées au niveau local, menées en collaboration avec les autorités et leaders communautaires, accueillies et appréciées par les membres de la communauté. Le Comité Local de Protection des Droits Humains, une structure locale créée par WEC-Congo, est devenu une référence pour les habitants qui n’hésitent pas à le consulter lorsqu’ils sont témoins d’une violation des droits humains. Notre équipe est fière et heureuse de pouvoir affirmer qu’un grand nombre de personnes—femmes et hommes, garçons et filles—bénéficient de son travail, et de contribuer à cette transformation sociétale profonde qui est à l’œuvre.
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